Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là
Il y a mille façons d’entrer dans l’œuvre d’Agnès Varda. Cette exposition en choisit une, intime et joyeuse : la suivre dans Paris. Son Paris. Celui des rues, des gens, des vitrines, des détails qu’on ne remarque pas toujours. Le Paris qu’elle a photographié, filmé, habité, aimé.
Tout commence rue Daguerre, dans le 14e arrondissement. Une cour discrète, presque cachée, où elle s’installe en 1951. Ce lieu devient son centre de gravité. On y trouve un studio, un labo, une salle de montage, des plantes, des chats, et un joyeux passage de comédiens, de voisins, de cinéastes, d’amis. C’est ici qu’elle développe ses premières images, qu’elle accroche ses premières photos, qu’elle vit avec Jacques Demy, qu’elle tourne, qu’elle rêve. C’est là aussi qu’elle revient toujours.
L’exposition remonte le fil de cette vie créative. Elle met à l’honneur son travail de photographe, longtemps resté dans l’ombre de son cinéma. Plus de 130 tirages, dont beaucoup jamais montrés. Des portraits, des reportages, des scènes de rue. Des regards drôles, tendres, parfois un peu décalés. Son style est déjà là : un œil vif, une vraie liberté, et ce petit pas de côté qui la rend inimitable.
Et puis, bien sûr, il y a le cinéma. Paris y joue un rôle central, comme un personnage à part entière. Cléo de 5 à 7, filmé en temps réel, suit une jeune femme dans les rues de la capitale, au rythme de ses doutes et de ses espoirs. Dans Les Fiancés du Pont MacDonald, la ville devient un décor de cinéma burlesque. Dans Loin du Vietnam, elle est traversée de luttes et de colères. À chaque fois, Agnès capte l’air du temps, les émotions dans l’espace urbain, les tensions sous la surface.
Mais ce n’est pas une expo nostalgique. C’est une promenade vivante, curieuse, pleine de surprises. On y croise des objets familiers, des archives, des affiches, une sculpture de son chat Nini. On entre dans ses décors reconstitués — comme la boutique de photographe de L’une chante, l’autre pas —, on écoute des chansons, on voit des bouts de films inachevés.
Et puis, il y a les autres. Ceux qu’Agnès regarde sans jamais juger. Les femmes, les passants, les commerçants, les oubliés. Avec elle, chacun mérite un gros plan. Dans Daguerréotypes, elle dresse un portrait tendre et précis de son quartier. Dans L’Opéra-Mouffe, elle filme les corps et les visages d’un Paris populaire, plein de rudesse mais aussi de poésie.
L’exposition se referme là où elle a commencé : dans la cour de la rue Daguerre. Devenue un jardin, un lieu de mémoire, une extension d’elle-même. On la voit, à travers les années, entourée de ses souvenirs, de ses plantes, de ses films. Comme si tout était encore en mouvement.
Voilà ce qu’est Le Paris d’Agnès Varda : une promenade libre et joyeuse, parfois floue, toujours lumineuse. Une invitation à prendre son temps, à poser un regard neuf. Et à garder les yeux grands ouverts.
Musée Carnavalet - Histoire de Paris
23 Rue de Sévigné, 75003 Paris
Exposition du 9 avril au 24 août 2025